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"C'est le carnaval de Nice qui a inspiré celui de Rio"

Publié par Chorale ACANTARI sur 7 Mars 2015, 10:49am

Catégories : #Histoire

ANNIE SIDRO – "C'est le carnaval de Nice qui a inspiré celui de Rio"

Elle n’est pas carioca, mais presque. Issue de la plus ancienne famille de carnavaliers niçois, l’historienne et présidente de "Carnaval sans frontières" Annie Sidro a été pendant près de 25 ans responsable à la mairie de Nice du jumelage entre sa ville et Rio. Elle est encore conseillère auprès de la municipalité française aujourd’hui. Lepetitjournal.com l’a rencontrée à l’occasion du passage à Rio du maire de Nice, Christian Estrosi. Voici la première partie de notre entretien avec cette figure du carnaval niçois.

Lepetitjournal.com : Votre histoire et celle de votre famille est intimement liée à celle du carnaval…
Annie Sidro
 : Oui ! Le carnaval de Nice a été créé sous sa forme actuelle en 1873 et mon grand-père, Alexis, est entré dans cet événement en 1897. Très vite, il est devenu le constructeur officiel du char de sa majesté Carnaval. De 1921 jusqu’à la mort de mon père en 1980, c’est ma famille qui a réalisé ce char prestigieux du roi Triboulet. Pour ma part, je suis devenue historienne du carnaval.

Comment le carnaval de Nice a inspiré celui de Rio ?
Le carnaval de Nice était à la fin du 19e siècle le plus important au monde. Rois et princes venaient passer l’hiver à Nice, dont Pedro II du Brésil. En 1888, un an avant son abdication, il est venu assister deux fois au carnaval et à la bataille de fleurs qui a lieu sur la promenade des Anglais. Il est accompagné de toute sa famille dont la princesse Isabelle qui, à son retour à Rio, va suggérer de faire un défilé avec des voitures fleuries à Flamengo, le lieu chic de l’époque. Il y avait déjà un carnaval, mais plutôt informel. Un défilé structurel, avec des chars, cela n’existait pas. C’est donc bien Nice qui a inspiré Rio, mais aussi Pasadena (Californie) en 1890 qui possède aujourd’hui le plus grand défilé de chars fleuris au monde tous les 1er janvier. Les élèves ont en effet un peu dépassé le maître. Si Nice n’a plus le plus grand carnaval du monde, mais reste sur le podium avec Rio et Venise, cela reste quand même le plus international car il reçoit chaque année une cinquantaine de groupes venant du monde entier.

Quelles sont les différences entre les carnavals de Nice et de Rio ?
Au départ, ils avaient presque le même principe avec un char de carton-pâte, sur lequel jouait un orchestre, et derrière, des gens qui dansaient. Il y avait aussi des "grosses têtes" ("bonecos" au Brésil). Puis les premières écoles de samba ont fait leur apparition à Rio dans les années 1920, défilant avenida Presidente Vargas puis au Sambodrome à partir de 1984. A Nice, en revanche, on a continué ce défilé des chars, des grosses têtes, des orchestres de musique – de marche, telle que celle des pompiers de Nanterre -, ainsi que des cavalcades, c’est-à-dire des gens à cheval, qui ont été supprimées pour des raisons de sécurité. Mais il n’y a qu’un seul thème général, décliné par tous les chars, et qui sera la musique pour celui de 2015. Il permettra notamment de mettre à l’honneur notre instrument de musique traditionnel : le pétadou, fait à partir d’une courge, qui fait un son des ténèbres appelant les morts.

A Rio, les écoles de samba sont désormais de véritables entreprises, qu’en est-il à Nice ?
Il s’agissait au départ de bénévoles puis cela a évolué en semi-bénévoles avec la création d’associations dans les années 1920, au même moment que les écoles de samba cariocas. Jusqu’en 1995, les carnavaliers niçois recevaient des subventions de la ville et du comité des fêtes qui leur permettaient des réaliser les chars et les grosses têtes, mais ils ne pouvaient pas en vivre à l’année, c’était vraiment une passion. Ainsi, mon père était par exemple employé chez GDF. En 1993, la loi Sapin a forcé les collectivités territoriales à faire des appels d’offre avec un seuil maximal qui était inférieur à la somme suffisante pour réaliser les chars. Il a donc fallu que les associations de carnavaliers se professionnalisent en devenant des sociétés commerciales, mais malheureusement beaucoup d’entre eux ont jeté l’éponge. Aujourd’hui, les 18 chars sont partagés entre trois sociétés qui sont cependant obligées de développer leurs activités (parcs d’attraction, décorations artistiques, etc.) pour vivre à l’année. Pour ma part, je tente de les aider aussi en les emmenant à l’étranger.

Dans quel but avez-vous justement fondé "Carnaval sans frontières" ?
Afin de pouvoir développer les relations, les interactions, la mise en valeur des artistes carnavaliers dans le monde entier et notamment entre Nice et Rio. Mon expérience avec le Brésil a été très importante car les carnavalesques (directeurs artistiques) brésiliens m’ont appris à construire une dramaturgie, c’est-à-dire à raconter une histoire à travers une parade de carnaval, comme on le voit chaque année au Sambodrome. Cette grille que j’ai apprise ici, je l’ai appliquée dans les autres pays où j’ai travaillé sur des carnavals : Tahiti, Chine, Macao, Singapour, Canada, etc. A chaque fois, je suis venue avec des carnavaliers niçois pour exporter notre savoir-faire, mais sans pour autant imposer notre culture. Nous laissons les locaux s’approprier le carnaval en mettant en scène leur propre histoire. C’est une aventure passionnante !  

Propos recueillis par Corentin CHAUVEL (www.lepetitjournal.com - Brésil) mardi 2 septembre 2014

*Légendes photos : Annie Sidro (à gauche) lors du carnaval de Rio en 2009 (photo 1) / Une partie du char de Nice lors du carnaval de Rio en 2009 (photo 2)

En savoir plus

Annie Sidro est l'auteure de plusieurs ouvrages sur le carnaval dont :

- Le Carnaval de Nice et ses fous (Serre, 1979)

- Peuples en fête (Sky Comm, 200

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